Quelle est l’origine des pulls irlandais ? Ces pulls également connus sous le nom de pulls irlandais d’Aran, sont des pulls traditionnels qui trouvent leurs origines en Irlande, sur les îles d’Aran situées au large de la côte ouest. Ces pulls sont célèbres pour leurs motifs complexes et leur utilisation de la laine naturelle.
Préambule
Traversons la Mer Celtique et accostons en Irlande. Direction Doolin sur la côte ouest pour embarquer à destination des trois îles d’Aran.
J’avais 18 ans. C’était mon tout premier voyage entre copains, l’aventure, la vraie, sans parents et sans téléphone (pas de portable à l’époque !). Jeunes et romantiques, nous avions l’imaginaire à fleur d’âme.
Pour nous, L’Irlande, c’était la terre promise des légendes, la patrie des leprechauns et des banshees. Embarquer sur l’Océan Atlantique en direction des terres celtes ? C’était une évidence.
Donc, direction : les îles d’Aran !
Après un voyage en bus de plusieurs jours, nous accostons à Inisheer, la plus petite des trois îles de l’archipel. A l’opposé du stéréotype de la verte Irlande, les îles d’Aran offrent un paysage minéral et sauvage, au milieu de la mer.
La légende affirme que l’archipel d’Aran est une avancée de terre qui a dérivé au cours d’une forte tempête dans la baie de Galway. Inishmore, la plus grande des trois îles, abrite à peine plus de 800 habitants. Ce rude panorama est le berceau des fameux pulls irlandais, célèbres pour leurs complexes motifs écrus.
Je vais vous raconter deux histoires, celles d’un homme à l’étonnant prénom de Heinz Edgar et celle d’une femme réformatrice, Muriel Gahan. Dans les années 30, cet homme et cette femme seront à l’origine des pulls irlandais d’Aran tels que nous les connaissons.
L’histoire de Heinz Edgar Kiewe et Muriel Gahan.
Origine de La tradition des pulls irlandais
Ah, les légendaires pulls irlandais et leurs motifs à torsades issus de tradition ancestrales !
La légende des origines
Remontons aux origines : savez-vous que chaque motif traditionnel a une symbolique, souvent religieuse ?
Ainsi chaque famille de l’ile combinait différents motifs pour créer un modèle spécifique qui, tel un blason, racontait l’histoire de la famille. C’est ce motif unique qui permettait notamment d’identifier les noyés quand quelques semaines après un naufrage, la mer rendait les corps des marins à leurs familles.
De bien belles histoires …
Mais rien de plus que des histoires ! Car ces belles affabulations sont nées de l’imagination d’un marchand de laine : le fameux Heinz Edgar Kiewe !
L’homme à l’origine de la légende
Cela commence par.. un pull ! Dans les années 30, Heinz Edgar achète un peu par hasard un pull d’Aran. Et voilà qu’il remarque fortuitement une ressemblance entre des points d’Aran et des motifs celtiques. Il suppose donc que le tricot d’Aran est au moins aussi ancien, sinon plus, que ces motifs.
Il s’improvise alors historien textile, et sur la base de ses supputations et, disons-le, de son imagination, il écrit un livre censé révéler l’origine des pulls irlandais « The Sacred History of Knitting » : L’histoire sacrée du tricot !
C’est cet ouvrage qui va fournir la majeure partie de la mythologie folklorique entourant le pull-over d’Aran.
Auteur prolifique, Heinz Edgar multipliera les anecdotes textiles, établira des liens avec des passages de la bible et développera diverses théories, non vérifiées naturellement.
Son intérêt : développer l’attrait des pulls d’Aran, et au final développer son commerce.
En réalité, si les motifs se ressemblent d’un membre de la famille à un autre, c’est tout simplement parce que l’on reproduit ce qui nous entoure et que chaque groupe de tricoteuses développe petit à petit son propre style.
Quelle déception ! Adieu, histoires légendaires des temps anciens. Pas de pouvoir sacré du tricot qui permettrait d’identifier un homme perdu en mer.
Pour autant la véritable histoire, que je vais vous révéler plus bas, n’en est pas moins belle. Elle est empreinte de dynamisme féminin et de progrès social.
l’artisanat a l’origine des pulls irlandais
La plupart des historiens s’accordent à dire que, loin d’être un artisanat ancien, le tricot d’Aran a vu le jour dans les années 1890, lorsque le gouvernement a cherché à améliorer l’industrie de la pêche dans les îles.
Les pulls de Guernesey à l’origine des pulls irlandais
Des pêcheurs des îles britanniques alentour sont venus avec leurs épouses aux îles d’Aran. Ils ont contribué à former les habitants de l’archipel à de meilleures techniques de pêche et de traitement du poisson, apportant également avec eux la tradition des pulls tricotés de Guernesey. Les femmes des iles d’Aran ont commencé à tricoter leur propre version de ces pulls, en utilisant de la laine locale.
C’est ici qu’intervient le CDB (ne pas confondre avec un produit psychotrope, il s’agit du Congested Districts Board). Cet organisme, dont la vocation était de réduire la pauvreté et les conditions de vie difficiles dans l’ouest et le nord-ouest de L’Irlande, a incité ces tricoteuses à créer des motifs plus complexes et typiques.
Le pull d’Aran, produit de l’artisanat féminin
La suite se passe dans les années 1930 à Dublin. Un nouveau magasin ouvre ses portes : il s’agit de « The Country Store », créé sous l’égide de la réformatrice sociale Muriel Gahan. On y trouve des produits artisanaux provenant d’artisans irlandais vivant en milieu rural.
Et en 1932, Muriel Gahan passe la toute première commande d’un pull irlandais Aran. Ce pull est la version « officielle » du pull irlandais tel que nous le connaissons.
Photo : Muriel Gahan (1897 – 1995)
Par la suite, Muriel Gahan dirigera des organisations telles que l’Irish Homespun Society et l’Irish Country Markets Ltd, qui contribueront à faire connaître les produits irlandais à un public plus large.
C’est en proposant des pulls des îles d’Aran dans la capitale, et en faisant valoir leur origine et leur spécificité que Muriel Gahan a contribué à l’émergence du pull-over d’Aran en tant que produit.
Les premiers modèles de tricot d’Aran disponibles dans le commerce ont été publiés dans les années 1940 par Patons of England.
Conclusion
Deux histoires pour une origine
Ces deux histoires qui semblent bien différentes sont liées par un point commun.
Certes, Heinz Edgar Kiewe use et abuse des légendes comme argument marketing, tandis que Muriel Gahan s’appuie sur le développement et la communication. Il faut cependant admettre que tous les deux poursuivent in fine le même objectif : permettre aux habitants des îles d’Aran de survivre.
Survivre ? Le mot n’est pas trop fort.
Le climat est hostile et la vie des pêcheurs est rude : ce sont les pulls qui permettent aux autochtones de supporter les difficiles conditions météorologiques.
Le produit de la pêche est incertain et souvent insuffisant : c’est le tricot qui permet de compléter un revenu indispensable pour vivre.
Aux îles d’Aran, le tricot est vital. Au point que Michael Pearson, auteur de livres sur le tricot, qualifiera la réalisation des pulls d’Aran comme « un acte de survie ».
Voilà pour l’histoire. Vous en savez un peu plus désormais sur la rude origine de ces fameux pulls irlandais. Elles n’ont rien d’un conte de fées. Il s’agit plutôt d’une histoire touchante de femmes et d’hommes… et de moutons, unis pour survivre dans ce milieu inhospitalier et magnifique.
Et une histoire à suivre
Mais le pull d’Aran, c’est bien plus que cela : pour découvrir la technique unique qui fait sa spécificité, voire même pour entrer dans la légende en produisant votre propre pull, je vous invite à découvrir tous les aspects : matériaux, forme, points… dans le prochain article de notre dossier « Les pulls irlandais des îles d’Aran »
A ne manquer sous aucun prétexte !
Slán agat !
(au revoir)
Références
Photo du pull avec les motifs : Irish Aran Sweaters- National Geographic Store Blog
Photo de Muriel Gahan : wikipedia
Photo des pêcheurs : National Library of Ireland
Michael Pearson : Traditional Knitting: Aran, Fair Isle and Fisher Ganseys, New & Expanded Edition
Priscilla A. Gibson-Roberts and Deborah Robson : Knitting in the Old Way
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